Crise de confiance majeure entre la diaspora juive américaine et le gouvernement Netanyahou
Dernière mise à jour : 23 déc. 2020
Auteur : David Cohen, 17 Aout 2017, La Presse+
PREMIÈRE PARTIE
Netanyahou annonce des mesures défavorables aux communautés juives libérales
Sous la pression des partis ultra-orthodoxes religieux, le gouvernement de coalition du premier ministre Netanyahou dérogeait en Juin dernier à sa promesse de créer un espace de prière égalitaire homme-femme au Mur des Lamentations, l’un des lieux les plus saints du judaïsme. Netanyahou s’y était engagé l’an dernier auprès des communautés juives libérales d’Israël et de la diaspora.
Le gouvernement acceptait de plus d’introduire un projet de loi proposé par les partis ultra-orthodoxes qui donnerait désormais le monopole des conversions religieuses au Rabbinat en chef orthodoxe israélien, alors qu’auparavant les conversions pouvaient se faire à l’extérieur du Rabbinat.
Implications négatives des politiques du Rabbinat d’Israël pour de nombreux juifs
Le Rabbinat en chef orthodoxe israélien est l’organisme reconnu officiellement par l’État d’Israël pour exercer le monopole sur les questions religieuses juives en Israël. Jusqu’à présent, selon la loi du retour, tous ceux dont un des parents ou grands-parents est juif ou qui se sont convertis au judaïsme peuvent immigrer en Israël. Mais selon le Rabbinat ultra-orthodoxe, seuls ceux dont la mère est juive ou ceux dont il reconnait la conversion pourraient être reconnus comme juifs pour les questions de mariage, de divorce ou d’enterrement. Actuellement, plus de 300 000 Israéliens qui se disent juifs ne sont pas reconnus comme tels par le Rabbinat et donc ne pourraient se marier ou être être enterrés religieusement en Israël s’ils le désiraient.
Le Rabbinat d’Israël vient de dévoiler une liste « noire » de 160 rabbins de la diaspora dont il rejette les conversions ou des attestations d’identité juive d’individus désirant s’établir en Israël, parce que ne respectant pas à ses yeux les préceptes juifs orthodoxes. La plupart de ces rabbins appartiennent aux courants reformé, conservateur voire orthodoxe moderne aux États-Unis.
Conformément à la stricte tradition ultra-orthodoxe, il y a actuellement deux espaces séparés de prière pour les hommes et les femmes devant le Mur. Il y a quelques mois, des représentants de la diaspora avaient référé la question de l’accès et de la pratique religieuse inégalitaire entre les hommes et les femmes au Mur devant la Cour suprême israélienne qui entendra la cause fin aout 2017
Devant le tollé de la communauté juive américaine libérale, Netanyahou a décidé de réexaminer la situation sur le Mur et les conversions et de promettre une nouvelle approche bientôt.
Les communautés de la diaspora nord-américaine se sentent trahies
Plusieurs leaders influents des communautés non-orthodoxes des États Unis et du Canada ont vécu les concessions du gouvernement Netanyahou aux juifs ultra-orthodoxes sur le Mur (surtout) et les conversions comme une « trahison », un “affront » et un « rejet de leur identité juive » et qui les conduit à se sentir comme des juifs de « seconde classe » en Israël. Pour eux, Netanyahou pratique une politique d’exclusion des courants non-orthodoxes qui rendrait Israël « moins démocratique » ou encore la preuve d’un « fossé grandissant » entre un Israël de en plus « fondamentaliste », « intolérant » et de droite/extrême droite et une communauté juive nord-américaine en majorité pluraliste, tolérante et libérale. Le rabbin orthodoxe moderne Ruben Poupko de Montréal, un leader respecté de la communauté juive canadienne, souligne dans sa lettre sur la question du Mur à Netanyahou que le Rabbinat israélien a montré “le visage le plus laid du judaïsme ».
De nombreuses études démontrent en effet la forte corrélation entre l’appartenance aux groupes religieux stricts et l’adhésion à l’idéologie d’extrême droite en Israël qui rejette les valeurs de pluralisme, de tolérance et même de démocratie. C’est ce qui explique en grande partie l’opposition entre les partis ultra-orthodoxes et le Rabbinat d’Israël d’une part et la diaspora américaine dite libérale d’autre part.
Les juifs américains représentent la plus importante diaspora en termes de population et d’influence au sein de leur société. Le courant libéral comprend surtout les réformés, les conservateurs et les laïcs. Selon une enquête Pew récente de la communauté juive américaine, les reformés représentent le groupe juif le plus important (35%), suivis des laïcs (30%), des conservateurs (18%), et des orthodoxes (10% dont 6% d’ultra-orthodoxes). Contrairement aux États-Unis, le judaïsme réformé reste très minoritaire en Israël (3 %), contre 20 % pour le judaïsme orthodoxe dont 9% d’ultra-orthodoxes; les autres, représentant la grande majorité, se partagent plus ou moins également entre traditionalistes – respectant les principales fêtes juives – et laïcs.
Il existe une perception bien ancrée parmi la population non-juive au Québec que la communauté juive est monolithique et tricotée serrée. Si cela est vrai concernant le soutien à l’existence de l’État d’Israël ou la lutte à l’anti sémitisme, ce n’est pas le cas sur la politique du gouvernement Netanyahou d’occupation en Cisjordanie ou la non-reconnaissance de droits égaux aux juifs non-orthodoxes en Israël.