Nouveaux coups durs pour les dirigeants palestiniens
Publié par David Cohen, 12 0ctobre 2020
Bahreïn a annoncé, il y a près d’un mois, un accord de normalisation avec Israël suite à celui des Émirats Arabes Unis (EAU) avec Israël. Alors que la stratégie israélienne semble gagnante à court terme, celle des Palestiniens semble franchement perdante.
On n’avait rien vu de pareil dans le rapprochement diplomatique et économique entre Israël et des pays arabes depuis les accords de paix avec l’Égypte (1979) et la Jordanie (1994), et les accords d’Oslo avec les Palestiniens en 1993, qui avaient permis l’établissement de missions commerciales israéliennes dans plusieurs pays arabes. Ce processus de normalisation fut complètement renversé après le déclenchement de la Seconde intifada en 2000.
Les « accords d’Abraham » EAU-Israël et Bahrein-Israel
Les gestes du Bahrein et des EAU visent à renforcer le front anti-Iran et l’accès à la haute technologie et au dynamisme de la « start-up nation » israélienne ainsi qu’au matériel de défense sophistiqué américain. C’est aussi une police d’assurance contre une diminution de l’influence américaine dans la région, en particulier en Syrie et en Iraq.
Un des avantages des « accords d’Abraham », pour la partie arabe, est la suspension de l’annexion de territoires palestiniens pour un certain temps.
Trump promet que «sept à neuf» pays supplémentaires seraient sur le point d’établir des relations diplomatiques avec Israël.
Rebuffades de la Ligue arabe, de l’Arabie saoudite, du Liban et de la Jordanie
Dans un geste sans précèdent, la Ligue arabe a rejeté la résolution palestinienne qui demandait que la Ligue arabe condamne l’accord de paix EAU-Israël.
De plus, l’Arabie saoudite et le Jordanie ont accepté d’ouvrir ou d’ élargir leur espace aérien à Israël. Les gestes du Bahreïn et des EAU n’auraient pas pu être posés sans l’assentiment de l’Arabie saoudite, un pays influent au sein du monde arabe et musulman.
A cela s’ajoute l’annonce de négociations entre Israël et le Liban, deux pays techniquement en guerre, qui ont convenu de tenir des pourparlers sur la délimitation de leurs frontières, à la lumière de découvertes importantes de gaz en Méditerranée orientale et du défaut de paiement du Liban depuis mars dernier.
Réactions des Palestiniens et des élites et du public arabes
La réaction des leaders de l’Autorité Palestinienne (AP) et du Hamas a été d’appeler à des élections dans six mois, dans une nouvelle tentative pour mettre fin à plus d'une décennie de luttes intestines entre le mouvement Fatah du président Mahmoud Abbas et son rival islamiste, le Hamas.
Les ententes de normalisation semblent avoir reçu l’appui des élites des EAU, du Bahreïn et de l’Arabie saoudite. Ainsi, le prince Bandar Ben Sultan, ancien ambassadeur d’Arabie saoudite aux États-Unis et ancien chef des services de renseignement, dans une entrevue fracassante sur la chaine saoudienne Al Arabiya, a procédé à une rare mise en accusation contre les dirigeants palestiniens à Gaza et à Ramallah. Il leur reproche, en particulier, leur insuccès à faire l’unité entre eux et à défendre la cause palestinienne. De même, Khalaf Al Habtoor, le PDG émirati d’un gros conglomérat de la région, dans un article publié dans Haaretz, demande aux Palestiniens de « cesser de blâmer les alliés arabes pour leurs échecs». Quant à l’opinion publique, leur appui est loin d’être acquis.
Comment expliquer la défaite diplomatique des Palestiniens?
Cette défaite diplomatique pourrait s’expliquer par les stratégies bancales des dirigeants palestiniens, à savoir que les pays arabes continueront à boycotter Israël, que la rue arabe empêchera les dirigeants arabes de normaliser leurs relations avec Israël et que les Palestiniens détiennent un droit de véto sur la question au sein du monde arabe.
La réalité est que la cause palestinienne a perdu de sa centralité auprès des régimes arabes. Depuis l’échec du Printemps arabe, les autocraties des pays du Golfe se sont considérablement renforcées sur le plan de défense et du renseignement afin de contrôler et réprimer leurs populations, mais aussi pour contrer les menaces islamiste et iranienne.
À cela s’ajoute le rejet par l’AP de plusieurs plans de paix ces dernières années qui prévoyaient la création d’un État palestinien. Cette intransigeance a frustré à plus d’une reprise les dirigeants des pays du Golfe.
Il faudra voir si le rapprochement diplomatique avec les pays arabes rendra Israël plus flexible sur la question palestinienne, comme l’espèrent les EAU et le Bahreïn ou si, au contraire, il réduira le rapport de force des Palestiniens et aidera à mettre fin au conflit israélo-palestinien comme l’estime Netanyahou.
Les Palestiniens ont été incapables à ce jour de résoudre les problèmes de fond auxquels ils sont confrontés comme le manque d’unité entre l’AP et le Hamas et l’absence de démocratie qui font que leurs dirigeants autoritaires s’accrochent au pouvoir et à la pensée magique face à une population devenue cynique à leur endroit. Pendant ce temps, le rouleau compresseur de la colonisation israélienne ajoute au désespoir de la population. Ainsi, le gouvernement israélien est sur le point d’examiner la construction de plusieurs milliers de nouveaux logements en Cisjordanie.
Pour le moment, rien n’indique un changement de stratégie vers plus de pragmatisme de la part des dirigeants palestiniens, excepté qu’Abbas est maintenant disposé à traiter avec quiconque est élu président des États-Unis, alors qu’il refuse depuis trois ans de négocier avec Trump.
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