Selon Yossi Alpher, il ne faut pas abandonner l’idée d’une solution à deux états
Publié sur le site des Amis canadiens de La paix maintenant*

En l’absence de pourparlers de paix à l’horizon, Israël et la Palestine se dirigent, par défaut, vers la création d’une entité binationale qui entraînera immanquablement des conflits civils. Les chances de progresser, dans un avenir rapproché, vers une solution à deux états sont pratiquement nulles.
Cependant, pour ceux qui ont à coeur un avenir pacifique et démocratique pour Israël, l’État juif se doit d’entretenir sa vision de deux états parce que, comme l’explique l’analyste israélien en sécurité Yossi Alpher, “c’est la seule façon de se sortir de ce bourbier”. M. Alpher a livré ce message lors de son passage au Temple Emanu-el à Toronto le 15 juin dernier. Organisé par les Amis canadiens de La Paix maintenant et co-financé par le Temple, il s’agissait du premier événement présentiel tenu par l’ACPM depuis plus de deux ans et demi. Yossi Alpher est entre autre un ancien cadre du Mossad et un ancien conseiller principal lors des pourparlers du Camp David. Il est connu pour son réalisme intransigeant.
Il a expliqué les raisons pour lesquelles les pourparlers de paix sont suspendus pour l’instant en invoquant plusieurs facteurs. Israéliens comme Palestiniens n’ont pas la volonté politique de faire le genre de compromis qui mènerait à la paix. Israël se dirige vers sa 5e élection en moins de trois ans et demi, et il est peu probable qu’elle mène à un gouvernement moins dur, étant donné que la droite religieuse domine l’opinion générale israélienne. Quant aux Palestiniens, ils sont désespérément partagés entre le Hamas et l’OLP. Le Hamas est absolument opposé à la solution à deux états. Mahmoud Abbas, qui dirige l’OLP et préside la Cisjordanie, est ouvert aux négociations. Toutefois, il n’a jamais pu dans le passé offrir des concessions qui seraient acceptables aux yeux des Israéliens. De plus, il est devenu aujourd’hui un leader faible sur le point d’être évincé. Pendant ce temps, nombreux sont les Palestiniens cisjordaniens qui aiment de moins en moins l’idée d’une solution à deux états et qui penchent vers le Hamas.
Qui plus est, ajoute M. Alpher, les forces internationales qui, auparavant, poussaient les deux antagonistes vers la résolution de leur conflit historique ont également changé. Les É.-U. ont perdu leur intérêt pour le Moyen-Orient et ont, à toutes fins pratiques, renoncé à leur rôle de médiateur. L’Amérique a d’autres priorités, dont l’une des plus pressantes est le pouvoir grandissant de la Chine. L’Europe est préoccupée par la guerre en Ukraine. Une grande partie du monde arabe est préoccupée par l’Iran et sa quête d’hégémonie sur le Levant et le Golf persique. Cela a amené certains États arabes à se rapprocher d’Israël (par exemple avec les Accords d’Abraham) et a réduit plus encore leur intérêt déjà faiblissant envers la cause palestinienne. En outre, les responsables de la sécurité israélienne s’inquiètent beaucoup plus de ce qui est en fait devenu une guerre continue avec l’Iran que de la crise palestinienne.
Aucune pression n’est donc appliquée sur l’une ou l’autre des parties concernées pour éviter ce que Yossi Alpher appelle “la pente dangereuse vers la création d’un état unique”. Il a également évoqué comment les choses en sont arrivées là. Pour ce faire, il a cité son dernier livre “Death Tango: Ariel Sharon, Yasser Arafat and Three Fateful Days in March”. Cet ouvrage se penche sur trois événements survenus fin mars 2002 qui, selon Yossi Alpher, ont déclenché et annoncé l’impasse que l’on connaît. Le premier événement a été l’explosion terroriste de l’Hôtel Park à Netanya, l’attaque du genre la plus meurtrière de l’histoire d’Israël. À peu près en même temps, la Ligue arabe présentait une initiative de paix qui offrait de normaliser les relations avec Israël si celui-ci réglait tous ses conflits frontaliers. Cependant, traumatisé par le terrorisme palestinien, le public israélien devenait convaincu qu’il n’existait pas de partenaire palestinien pour la paix, un point de vue encore dominant à ce jour. L’offre de paix émanant de la Ligue arabe arrivait donc à un très mauvais moment. Le lendemain de la réunion avec la Ligue, les Forces de défense israéliennes envahissaient la Cisjordanie, faisant ainsi un trait sur les progrès réalisés avec l’Accord d’Oslo. Depuis, les Forces de défense sont toujours installées en Cisjordanie.
En parlant de ce que l’avenir réserve, Yossi Alpher a rappelé aux participants l’éruption de violence israélo-palestinienne de mai 2021. L’aspect le plus choquant de cette violence, du point de vue israélien, a été qu’elle a entraîné de nombreux conflits entre citoyens juifs et arabes à l’intérieur des frontières israéliennes délimitées par la Ligne verte. Cela a marqué le début des plus nombreux combats israélo-palestiniens depuis 1948. On peut s’attendre à de nombreux autres conflits violents et déstabilisants si la question palestinienne n’est pas résolue.
Les prévisions de Yossi Alpher sont loin d’être optimistes, mais ne sont pas complètement sombres. Il est convaincu qu’à un moment donné -peut-être à cause des tensions internes- les Israéliens s’ouvriront au fait que la solution à deux états est la seule option viable. Ils voudront rouvrir les initiatives de paix car, même si leur application en sera très difficile, la séparation d’Israël et de la Palestine en deux états indépendants est préférable à une guerre civile sans fin.
Yossi Alpher est l’auteur d’une colonne hebdomadaire pour Americans for Peace Now intitulée “Tough Questions, Hard Answers”. Il est également l’auteur de six ouvrages sur les questions du Moyen-Orient.
Commentaire de David Cohen: Yossi Alpher est un des analystes israéliens que je respecte le plus car s' il a des préjugés il ne les montre pas à part le fait qu' il est sioniste cad qu' il accepte d' emblée la légitimité d' Israël comme un état juif et démocratique, notion rejetée par l' extrême gauche pro BDS et les islamistes . Ses analyses m'apparaissent équilibrées car elles ne visent pas à défendre une idéologie de droite religieuse ou laïque ou de gauche.
pro-palestinienne à tous crins.
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